[Le Monde – M Sciences] Big Data Une mine de nouveaux emplois

Après l’engouement des banques pour les mathématiciens, une nouvelle bulle est-elle en train de gonfler autour du « data scientist », ce spécialiste de l’exploration et de l’analyse de grandes masses d’informations ?

L’annonce début décembre 2013 par Facebook du recrutement d’une des vedettes des techniques d’apprentissage, le Français Yann LeCun, pour diriger son tout nouveau laboratoire d’intelligence artificielle, plaide dans ce sens. « Dans les congrès, les Facebook, Amazon, Google et autres viennent recruter et dépeuplent les labos ! Certaines embauches sont peut-être des coups de com’, mais la vague est lancée », constate Stéphan Clémençon, titulaire de la toute récente chaire Machine Learning for Big Data de l’Institut Mines-Télécom.

« NOUS NE FORMONS PAS ASSEZ D’ÉLÈVES »

Les écoles d’ingénieurs françaises sentent déjà le mouvement. « La demande explose depuis deux-trois ans et nos élèves reçoivent entre trois et quatre offres à leur sortie », indique Nicolas Vayatis, directeur du Centre de mathématiques et de leurs applications à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Cachan (Val-de-Marne), également responsable d’un master réputé dans le domaine, Mathématiques Vision Apprentissage. « Mais nous ne formons pas assez d’élèves », complète-t-il à propos des 90 inscrits de son cursus venant de l’Ecole polytechnique, des écoles Télécoms, de l’Ecole centrale…

Pour le volet « big data » de la commission Innovation 2030, Serge Abiteboul, professeur au Collège de France et chercheur à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), a commencé à s’intéresser à l’état de la formation en France. Le paysage n’est pas désertique.

« L’IMPORTANT EST D’ÊTRE MULTIFACETTES »

A l’Institut Mines-Télécom, Stéphan Clémençon a créé, en septembre 2013, un mastère spécialisé pour 30 élèves. L’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae) a ouvert, en octobre 2013, une voie « big data ». L’université Pierre-et-Marie-Curie, à Paris, introduira aussi un master, évolution d’une formation déjà existante. A Grenoble, l’Ecole nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées (Ensimag) et l’Ecole de management de Grenoble vont ouvrir aussi, en 2015, un mastère spécialisé data scientist…

« L’important est d’être multifacettes avec des compétences en acquisition et exploitation des données mais aussi en juridique et éthique », prévient Stéphan Clémençon, qui se déclare « assailli de demandes » pour son mastère. « Beaucoup d’entreprises réalisent qu’elles ont un grand nombre de données non exploitées et elles se sentent parfois perdues dans le “big data” », ajoute Stéphan Clémençon pour souligner l’étendue de la demande potentielle.

Le monde académique n’est déjà plus dans sa tour d’ivoire. Des chaires associent leurs laboratoires avec des entreprises, comme à l’Institut Mines-Télécom avec BNP Paribas, Criteo, Peugeot et Safran. Certains, comme Stéphan Clémençon ou Nicolas Vayatis, ont valorisé leurs théories dans des start-up. D’autres ont des contrats avec des sociétés, ce qui est un moyen d’obtenir des données, le nerf de la guerre, pour aussi pousser les concepts dans leurs retranchements. Quant à Yann LeCun, il conservera son poste à l’université de New York.

Par David Larousserie
Source : lemonde.fr

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