[La Tribune] Plus de femmes scientifiques au secours de la compétitivité ?

‘Plus de femmes scientifiques au secours de la compétitivité ?

Des progrès phénoménaux dans l’éducation. Entre 2000 et 2010, le nombre d’enfants scolarisés dans le monde a progressé de près de 100 millions à démographie égale. A ce constat dressé par le Boston Consulting Group (BCG), le cabinet d’études apporte un bémol. Dans l’enseignement supérieur, les femmes sont toujours sous-représentées dans les matières scientifiques.

Or, au-delà du présupposé discutable de cette étude, qui devrait être publiée en intégralité en novembre, ce sont justement ces filières qui auraient le plus de potentiel sur le marché du travail. Devant les décideur(e)s économique et politique du monde réunis ce vendredi au Women’s forum à Deauville, l’une des auteures de cette étude, Agnès Audier, normalienne et ingénieure des Mines , a plaidé en faveur de la féminisation des sciences. A La Tribune, elle détaille ses arguments.

La Tribune – Pourquoi avoir voulu mettre, comme bien d’autres enquêtes, l’accent sur les filières scientifiques plutôt que sur les autres?

Agnès Audier : Le digital et la capacité à entrer dans l’économie de la connaissance sont clés dans la compétitivité des pays. Cette capacité à se développer dans l’économie de la connaissance dépend de la composition de la force du travail du pays. Des études de l’Union européenne montrent que d’ici 2020, il manquera 900.000 personnes en Europe formées dans ces métiers. Nous nous sommes demandés si les filles ne pouvaient pas être une solution à cet enjeu. Si elles ne pouvaient pas permettre d’obtenir la ‘bonne composition du monde du travail’ qui permette aux entreprises de se développer et aux pays d’êtres compétitifs.

Globalement, il y une sorte d’équilibre entre hommes et femmes dans les autres métiers mais un déséquilibre dans les métiers scientifiques. Les gros bataillons se dirigent vers les métiers de sciences humaines, de l’art, de la santé et de l’éducation…  Mais, dans ces métiers scientifiques, il n’y a que 20 à 30% de femmes. Par exemple, 71.000 filles diplômées en sciences physiques dans les métiers de l’OCDE, c’est quand même extrêmement faible!

Qu’en avez-vous déduit?

Nous avons calculé que, dans les seuls pays de l’OCDE, entre 2015 et 2020, si l’on parvenait à ce qu’une toute petite proportion de filles étudient moins les humanités ou se dirigent moins vers les domaines sanitaires, si nous parvenions simplement à faire en sorte qu’il y ait au moins autant de filles que de garçons qui choisissent de se former à ces métiers, il y aurait un rééquilibrage. Et en tout, 4 millions de gens supplémentaires dotés de compétences scientifiques et technique seraient ainsi disponibles. Ils formeraient un réservoir de gens formés suffisant pour combler le fossé déterminé par les statisticiens européens et américains.

Mais pourquoi ne pas aller piocher parmi les diplômé(e)s des autres filières, comme les sciences humaines, pour combler le manque?
Si vous voulez être un ingénieur big data, il faut quand même avoir fait un peu de mathématiques dans votre jeunesse! Certes, la question de réussir à attirer dans ces entreprises des collaborateurs qui ont d’autres formations et qui se reforment sur d’autres sujets est un vrai sujet. D’ailleurs, dans des maisons comme Google, Facebook ou Amazon, il n’y a pas que des gens qui ont étudié uniquement les mathématiques. Mais les enquêtes menées sur l’économie de la connaissance montrent que dans ces métiers, il faut une proportion de gens formés à très haut niveau. Il faut une masse critique de gens très expérimentés dans ces disciplines capables ensuite de créer des ponts entre les laboratoires d’universités, les centres de recherche, et les entreprises. Cela revient à un sujet-clé, surtout en France: comment passe-t-on de la recherche à l’innovation?

Finalement votre message, c’est « il y a eu un effort incroyable dans l’éducation mais pas suffisant dans l’orientation »?
Attention, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas important d’avoir des professeurs bien formés. Mais nous avons un problème quantitatif. On a besoin de 30% à 40% de plus de gens dans les filières technologiques. On ne peut pas se dire que le monde est digital et « big data » et, dans le même temps, accepter que, chaque année, sortent du système scolaire à peine 5 % à 10% de de gens supplémentaires qui connaissent ces sujets-là!’

Par Marina Torre
Source : http://www.latribune.fr

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