La révolution numérique bouleverse les aménageurs de magasins
‘C’est un corner a priori banal, à proximité du flux de voyageurs vers les machines à café et les toilettes, au cœur d’une station-service de l’autoroute A20 (Paris-Toulouse) près de Châteauroux. Quelques livres bien rangés, un écran qui délivre des pubs ciblées grâce à des caméras et, ce que le client ne voit pas, beaucoup d’intelligence numérique. Cet « i-meuble », testé par Total, est conçu par Articque, une PME qui réalise 8,2 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 70 salariés. Ce spécialiste du géomarketing et du Big Data s’est associé à Merim, un concepteur fabricant de mobilier pour les points de vente, qui affiche 15 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 70 salariés. Ce projet a vu le jour au sein du cluster Shop Expert Valley, une grappe d’une vingtaine d’entreprises spécialisées dans l’aménagement de magasins.
« Cette gestion de stocks en temps réel permet de soulager l’équipe de vente, qui peut alors se concentrer sur les sandwichs et le carburant. La logistique des cartons de livres est beaucoup plus fine. Le chiffre d’affaires du rayon a augmenté de 25 % cet été », résume Georges-Antoine Strauch, président d’Articque. La société compte 72 salariés et réalise 8,2 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Il y a encore dix ans, les fournisseurs de la distribution, à savoir des menuiseries traditionnelles qui avaient pris ce créneau de l’aménagement de magasins, investissaient pour produire de nouvelles formes, assembler et poser vite et bien des stands, de la signalétique, des rayonnages… Juste avant la crise, les boutiques se sont entichées d’écrans ou d’ordinateurs. Alors il a fallu construire des meubles avec des tablettes et des encoches pour les caler.
Aujourd’hui, le numérique bouleverse leur métier. 62 % des clients préparent leurs achats sur Internet, 45 % des points de vente sont digitalisés, 25 % des acheteurs prennent un produit en photo pour le partager. « Pour autant, les Français continuent de fréquenter leurs boutiques. L’e-commerce ne représente que 7 % du chiffre d’affaires total du commerce hors alimentaire », souligne Coralie Poinsignon, chargée d’études du cluster, alors que le Salon Equipmag 2014 prend fin le 18 septembre.
Chaque nouveau centre commercial requiert plusieurs centaines de millions d’euros d’investissement, ce qui renchérit le prix du mètre carré pour les enseignes. Elles cherchent des solutions pour rentabiliser le moindre espace. « Un écran tactile, qui permet par exemple la consultation de tout le catalogue, y contribue », ajoute-t-elle. Les PME ont également dû développer une activité de maintenance, comme Apia, qui a équipé l’ensemble des centres commerciaux d’Unibail de bornes de repérage équipées de lecteur RFID.
Suivre l’exemple anglais
Les nouveaux menuisiers – il existe de 900 à 1.000 entreprises qui œuvrent dans l’agencement de magasins – doivent aussi faire face à la volonté de leurs clients de réduire le nombre de leurs fournisseurs. « Nous devons suivre l’exemple de nos confrères anglais et nous internationaliser. Quand Marks & Spencer choisit un agenceur, il l’embarque partout où il s’implante », raconte Jean-Robert Tonneau, dirigeant de l’agenceur Standis à Salbris et président de Shop Expert Valley. C’est ce qui est arrivé à la société Merim, dirigée par Jean-Jacques Mulleris, « McDo, a choisi de concentrer ses achats. Le siège américain a préféré la multinationale ATT pour l’aménagement digital », explique le PDG. Pour résister les entreprises coopèrent avec des spécialistes des bases de données, comme l’a fait l’agenceur Stal, à Romorantin, qui a développé pour Leclerc PhotoshopMe, un meuble de maquillage qui intègre un système de reconnaissance faciale proposant différents modèles et produits.’
Par Stéphane Frachet
Source : LesEchos.fr