Les robots au secours du Big Data
‘Le professeur Michael I. Jordan, de l’université de Californie, autorité incontestée sur les machines apprenantes, a mis récemment en garde le Conseil américain de la recherche sur les dangers de la compilation de milliards de mégadonnées.
Dans la préface d’un rapport intitulé « Frontiers in Massive Data Analysis », il explique que le Big Data pourrait finalement aboutir à des conclusions au mieux absurdes et, au pire, dangereuses car erronées. Il utilise pour convaincre la métaphore des milliards de singes tapant aléatoirement sur une machine à écrire, l’un d’eux finissant par écrire du Shakespeare…
Le professeur Jordan prédit l’éclatement de la bulle du Big Data si les modèles ne mènent pas à des applications pratiques et sensées. En voici un exemple : un laboratoire du Massachusetts Institute of Technology a analysé 175 millions de trajets de taxi sur l’île de Manhattan à l’aide de capteurs placés sur les voitures. Les conclusions de l’étude sont étonnantes : si deux voyageurs acceptaient de partager le même taxi et de rallonger leur voyage de deux petites minutes, on pourrait supprimer 40 % du trafic de taxis jaunes. S’ils faisaient une concession de cinq minutes, ce sont 75 % des véhicules qui pourraient disparaître.
Une perspective séduisante pour le confort de la ville, mais totalement inapplicable dans le monde réel. On conçoit mal, en effet, qu’un taxi aille chercher un deuxième passager alors qu’il vient de charger le premier pour leur proposer de voyager à deux et perdre un peu de temps. Imaginons en revanche qu’une voiture-robot prenne tous les appels sur une zone en demandant au client non pas son point de départ – celui-ci étant déjà géolocalisé – mais sa destination.
En compilant ces informations, le robot proposerait instantanément un rabais sur le prix aux deux voyageurs, en leur indiquant en outre leurs heures précises de départ et d’arrivée avant de passer les prendre. Ce scénario, plus crédible, souligne la nécessaire complémentarité entre les recherches en Big Data et en robotique. Les premières peuvent repenser le monde, mais seules les secondes pourront le transformer.’
Par Bruno Bonnell, président du Syndicat de la robotique de service (Syrobo), associé fondateur de Robolution Capital.
Source: lesechos.fr