A l’occasion de son dixième anniversaire, Facebook propose à ses membres de voir et de partager avec leurs amis un film qui retrace leur activité sur le réseau social, depuis leur date d’inscription.
Cette vidéo intitulée « Retour en arrière » présente, en une minute, les publications et photos qui ont recueilli le plus de « like » ou le plus de commentaires, le tout sur un fond musical un brin nostalgique. Même si les données utilisées pour réaliser cette vidéo commémorative ne font pas l’objet d’une analyse très sophistiquée, le mini-film symbolise à lui seule l’utilisation potentielle que Facebook peut tirer de nos données.
Cette dixième bougie est l’occasion de saluer la formidable intuition qu’a eue un jeune homme d’à peine vingt ans, alors étudiant, lorsqu’il décide de lancer avec quelques amis la première version du réseau social en 2004, réservée à cette époque aux étudiants de Harvard. Mark Zuckerberg, digne représentant de la fameuse génération Y, hyper connectée et « sociale », a senti bien avant tout le monde que la donnée numérique serait l’or du XXIème siècle. A ce titre, il peut être considéré comme un pionnier et un visionnaire, tout comme les fondateurs de Google ou d’Amazon.
Depuis, Facebook s’est développé grâce aux big data, est devenu un producteur de big data et va continuer à assurer sa croissance grâce aux big data. Si la raison d’être de Facebook est d’aider tout individu à entrer en relation avec d’autres individus susceptibles de partager des affinités, le réseau social s’appuie sur des algorithmes – dont notamment le fameux EdgeRank – permettant d’une part d’identifier ces affinités, puis d’autre part, de sélectionner les types de publication qui seront les plus visibles dans leur fil d’actualité. Il exploite donc les informations dont il dispose sur chacun de ses membres pour leur proposer des connexions susceptibles de les intéresser, pour orienter la présentation des informations en fonction de leurs propres goûts (les publications des amis avec il interagit le plus apparaitront en premier), et bien sûr pour publier des publicités.
Ceux qui douteraient malgré tout que Facebook est un spécialiste des big data, peuvent également s’intéresser à la fonction de recherche avancée et multicritère proposée par le réseau social – service appelé Graph Search, accessible sur inscription depuis 2013. Vous pouvez par exemple lancer une requête pour rechercher « des personnes de moins de 30 ans, vivant à Paris et aimant les chats ». Pour affiner la requête, Facebook propose des suggestions en temps réel, à la manière de Google, puis vous propose un système de filtre afin d’affiner la recherche (sexe, ville, études, convictions politiques ou religieuses, etc.). Vous pouvez, de la même manière, chercher un restaurant, un film, ou encore une photo. Sur le même mode, Facebook propose aux annonceurs un service de publicité (ou de « publication sponsorisée ») reposant sur des critères très fins : centres d’intérêt ou caractéristiques des profils.
Facebook est ainsi devenu l’un des plus gros référentiels mondiaux de données personnelles, avec des usages potentiels toujours plus importants. C’est pourquoi la question de la monétisation des données contenues dans le réseau social est devenue centrale. Celui-ci peut d’une part commercialiser ces données sous une forme agrégée afin de fournir des analyses prédictives, par exemple sur nos comportements d’acheteur. Les données étant consolidées et anonymisées, le système ne pose pas à priori de problème majeur de confidentialité des données. Mais Facebook pourrait techniquement vendre des données relatives à un seul individu, ce qui ne manquerait pas de susciter beaucoup de contestations, le réseau social étant considéré par de nombreux internautes comme un espace « privé ». Et que se passerait-il si des agences gouvernementales accédaient aux données de Facebook pour détecter des fraudes à la sécurité sociale ou aux impôts par exemple ? Dans une démocratie, jusqu’aux affaires Snowden et NSA, nous pensions être à l’abri de telles pratiques. Mais, on se rend compte que c’est déjà plus ou moins le cas : au même titre que d’autres grands acteurs du numérique, comme Google ou Apple, Facebook publie désormais des rapports de transparence décrivant le détail des demandes de consultation de données émanant des États.
Et à l’heure où la consolidation des réseaux sociaux s’accélère (le rachat de Whatsapp n’est qu’un début), le périmètre des données stockées, traitées, et monétisées, n’est pas près de diminuer ! Ainsi, de nouveaux horizons vont aussi s’ouvrir avec l’Internet des Objets. Il est peu probable que Facebook délaisse ce marché au profit de ses concurrents, et risque de nous surprendre comme Google l’a fait avec le rachat de Nest. Qui sait, un jour vous pourrez sans doute devenir « amis » avec votre cafetière ou votre voiture !
Tribune Libre, Yves de Montcheuil, VP of Marketing, Talend
Source : www.news-banques.com