ALSTOM, symbole et big data
‘A tous ceux que l’affaire Alstom passionne, pour raison stratégique (des appareillages de l’entreprise équipent les centrales nucléaires ; quelle alliance sera privilégiée avec un géant américain GE ou un pilier européen Siemens etc…), pour raison sociale (18 000 emplois) etc. ces petites précisions.
Dans le dernier livre de Gilles Babinet sorti ce début d’année, titré « L’ère numérique, un nouvel âge de l’humanité » (éditions Le Passeur), le « Digital champion » français auprès de la Commission européenne écrit deux petites pages éclairantes au sujet de GE aujourd’hui . N’ayant pas l’intention de plagier l’ouvrage, nous ne citerons que quelques éléments qui nous semblent importants, en début de ce chapitre consacré à la « désindustrialisation, délocalisation et productivité ». G. Babinet y rappelle qu’en France, « la part de richesses (PIB) liée à la production industrielle est passée de 35% en 1970 à 14% en 2011 (un point de PIB représentant plus ou moins 200 000 emplois) ».
On dira : bon, rien que de très connu. Ce qui l’est moins du grand public, nous semble-t-il, c’est l’analyse selon laquelle dans l’industrie « c’est dans le travail amont, mais également aval (notamment chez le client ndlr), que se trouvent désormais les emplois à valeur ajoutée ». Entre les deux, il y a la production et la fabrication, où les machines qui ont des niveaux de productivité très élevés tendent à remplacer les hommes massivement ! Et de citer l’exemple d’une usine de General Electric relocalisée près de New York, où sont fabriquées des batteries : « on n’y trouve que 370 employés à plein temps sur une surface de 1,8 hectare ». Comment ? « 10 000 capteurs sont disséminés dans toute la chaîne de production ».
Qu’est-ce que cela signifie ? Pour que la production soit au top niveau, elle est monitorée en permanence, et des milliers de données analysées qui permettent de l’améliorer sans arrêt. Pour ce faire, « General Electric a recruté 400 ingénieurs de très haut niveau, des « data scientists » ».
Du coup, on se pose une première question : la promesse de conservation des emplois répétée aujourd’hui pour Alstom est-elle seulement tenable ? Le processus même de fabrication d’un grand nombre de produits industriels est en plein bouleversement. Qu’imagine-t-on ? Une « modernisation » douce ? On assiste en ce moment, bien au contraire, au recours de plus en plus fréquent et systématique à des innovations de rupture – notamment, mais pas seulement, l’introduction de nouveaux types de robots (bien plus fortement que tout ce qu’on a connu dans les décennies précédentes et notamment au Japon, en Corée du Sud, en Allemagne) et surtout, comme évoqué ci-dessous, le monitoring par des milliers de capteurs pendant la fabrication, Et là, la France n’est pas particulièrement en avance, dans les processus industriels.
Quant à la deuxième question, forcément politico-stratégique, c’est toujours la même : avec qui et où faire une alliance pour une entreprise française « symbolique » ? En Europe, et avec l’Allemagne (et l’un de ses fleurons industriels) pour créer des Airbus bis, ter etc. ? (Au fait, n’y a-t-il pas des élections européennes le 25 mai ?). Ou avec les Etats-Unis ? (et l’un de ses fleurons industriels, qui a pris le tournant des innovations actuelles). Le choix est cornélien.’
Par Dominique Leglu
Source : scencesetavenir.fr