Âgée d’à peine huit ans, l’entreprise française Criteo vient d’entrer au Nasdaq. Spécialisée dans la publicité sur Internet, cette ETI réalisera cette année plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires dont 85% à l’international. Son PDG et cofondateur Jean-Baptiste Rudelle a su bâtir une entreprise à double culture mariant ingénieurs et experts en marketing et publicité en ligne. Criteo est récompensée de l’Award de l’Entrepreneur BFM.
Mercredi 30 octobre: c’est un cocorico qui aurait pu résonner au Nasdaq en lieu et place de la traditionnelle cloche annonçant l’ouverture de la Bourse américaine des valeurs technologiques: Criteo, la pépite française, célèbre à New York son baptême boursier.
Introduite à 31 dollars, l’action a rapidement dépassé les 41 dollars, valorisant cette ETI française, spécialisée dans le reciblage publicitaire sur Internet, près de 2 milliards de dollars (cours en clôture le 30 octobre).
Une belle réussite pour une entreprise fondée il y a à peine huit ans! Et une manière pour son fondateur, Jean-Baptiste Rudelle, de rappeler sur BFM Business depuis le Nasdaq que la France ce n’est « pas que du fromage et des vins »!
La rencontre de trois ingénieurs
L’aventure a démarré en 2005 lorsque Jean-Baptiste Rudelle, un jeune entrepreneur issu de Supélec, aujourd’hui PDG et cofondateur de Criteo, croise la route de deux ingénieurs des Mines, Franck Le Ouay et Romain Niccoli, tous deux anciens de Microsoft USA.
Leur idée est de développer, à partir de l’analyse de la navigation des internautes, un outil de recommandation de produits pour les sites de e-commerce. Priceminister.com est le premier à s’intéresser à cette technologie. Mais, très vite, le trio de cofondateurs s’inquiète des travaux et de l’avance possible du géant Amazon dans ce domaine; il s’aperçoit aussi que le développement va coûter cher et qu’il faut trouver un moyen d’être rentable plus rapidement.
Ils révisent alors leur positionnement et élargissent ce concept aux bannières publicitaires. Leur outil, un moteur logiciel prédictif, analyse en temps réel le comportement d’un internaute et est ensuite capable, lors de sa navigation, de lui proposer de la publicité en ligne le concernant, et sur laquelle il aura le plus de chances de cliquer.
Le système repose sur des algorithmes d’analyse comportementale et de prédiction développés par Criteo en partenariat avec l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique), le temple français de la R&D numérique. Exemple: vous souhaitez acheter des chaussures de jogging en ligne. Votre choix n’est finalement pas arrêté, vous abandonnez votre navigation et décidez de vous consacrer à tout autre chose en allant lire des informations économiques sur votre site de news favori.
L’outil de Criteo va faire en sorte que les espaces publicitaires de la page que vous lisez correspondent aux chaussures de sport auxquelles vous vous étiez intéressé quelques minutes plus tôt. Ce procédé permet de multiplier par dix le taux de clics sur les bannières publicitaires. Une innovation qui rencontre aujourd’hui un succès fulgurant et qui explique la croissance de cette ETI.
Un chiffre d’affaires multiplié par 8 en 4 ans
2009 marque le véritable décollage de l’activité de Criteo. Son chiffre d’affaires atteint 65,6 millions d’euros en 2010. Il double ensuite tous les ans pour grimper à 400 millions d’euros en 2013 (selon les premières estimations).
Ce qui fait figurer Criteo à la quatrième place du classement des éditeurs de logiciels français, établi par Syntec Numérique et EY, derrière Dassault Systèmes, Ubisoft et Murex; mais avec un chiffre d’affaires réalisé pour 85% à l’international. Criteo rayonne en effet dans une quarantaine de pays via une vingtaine de bureaux déjà ouverts. Le premier a été inauguré aux États-Unis en 2009, lorsque Jean-Baptiste Rudelle est parti s’installer en famille dans la Silicon Valley.
Un pari gagnant pour cet ingénieur discret, formé chez Philips et Lucent, qui n’en est pas à sa première expérience d’entrepreneur. Il avait ainsi créé la start-up Kiwee, revendue au bon moment en 2004 à l’américain AG Interactive alors qu’elle venait d’atteindre 20 millions de dollars de chiffre d’affaires. Une expérience qui l’a aidé à aborder l’aventure Criteo plus sereinement tant humainement que financièrement.
Une société composée à 40% d’ingénieurs
Commentant son succès, il reconnaît que, si Criteo avait été une start-up américaine, sa croissance n’aurait rien d’étonnant. Il suffit, selon lui, de « disposer d’un bon produit, très innovant et à forte valeur ajoutée, et de voir grand dès le départ ».
Jean-Baptiste Rudelle estime également que son succès repose sur le fait qu’il ait ouvert très vite son capital aux collaborateurs et aux investisseurs, sans crainte de trop le diluer. Avec, pour les premiers, l’objectif de fidéliser les meilleurs mathématiciens et informaticiens, qui forment 40% de l’effectif.
Une force que Jean-Baptiste Rudelle a voulu conserver en France, Criteo comptant dans le monde plus de 800 collaborateurs. Les liens avec les investisseurs ont été noués dès 2006. En six ans, Criteo a levé 50 millions d’euros auprès de fonds tels que les français Idinvest et Elaia, le fonds européen Index Ventures et les américains SoftBank Capital, SAP Ventures, Bessemer, ou encore Yahoo! Japan.
Avec l’introduction au Nasdaq, les investisseurs de départ devraient récolter trente à quarante fois leur mise. L’avenir, Jean-Baptiste Rudelle le sait, passe par toujours plus d’innovation. Car Criteo est de moins en moins seul sur son marché et doit faire face à plusieurs défis.
Parmi les risques qui planent au-dessus de la tête de l’ETI française on compte le voisinage de Google, les réflexions des annonceurs sur la rentabilité effective de ce type de solutions ou encore les polémiques sur la propriété des données ou sur la transparence et l’évolution des réglementations liées à l’exploitation et à la protection des données personnelles.
Son développement dans le mobile va aussi être passé à la loupe. Criteo va devoir prouver sa capacité à monétiser sa solution. Mais ne boudons pas pour le moment le plaisir de voir récompenser les compétences logicielles françaises.
Par Frédéric Simotell
Source : www.bfmtv.com