En ouverture du salon du Cebit, le patron du groupe Volkswagen est venu présenter sa vision du futur numérique de l’automobile. Pour lui, nous sommes à l’aube de changements profonds qui vont conduire les constructeurs à offrir des services radicalement nouveaux. Il s’est aussi inquiété de la question des data, en s’érigeant en défenseur du respect des données personnelles.
Les automobiles sont-elles des monstres de données ? L’expression n’est pas de moi mais de Martin Winterkorn, le patron du premier groupe automobile européen, Volkswagen. En ouverture du Cebit, le salon allemand des technologies numériques, il a lancé ce concept de « data monster » dans une longue présentation consacrée à la numérisation de la voiture. Pour lui, il ne s’agissait pas de rejeter ce qui est d’ores et déjà inéluctable mais de lancer une sorte d’alerte sur le respect des données que tout un chacun produit et produira encore plus demain, en roulant.
« La voiture ne doit pas devenir un monstre de données. Nous protégeons déjà nos clients contre une grande variété de risques tels que l’aquaplaning, l’endormissement, la perte de temps dans les embouteillages. Avec la même attention, nous ambitionnons de protéger nos clients contre l’utilisation abusive de leurs données. Je dis clairement oui au Big Data, oui pour plus de sécurité et de facilité, mais non à Big Brother. J’en appelle à toute l’industrie. Nous avons besoin d’un engagement volontaire de la part de l’industrie automobile sur ce sujet. »
héraut du respect des données personnelles
La prise de position est sans ambiguïté et ne manque pas d’étonner. Pourquoi diable Volkswagen se positionne-t-il comme le héraut du respect des données personnelles ? Ce n’est évidemment pas par pur philanthropie. En prenant publiquement fait et cause pour une gestion propre des data numériques, le constructeur joue en fait pour lui. Il se place comme un intermédiaire de confiance entre le conducteur et les industriels de la donnée que sont Google, Apple et, dans une moindre mesure, Microsoft. Tous les trois ont clairement affirmé leur intention d’embarquer à bord des voitures pour prendre position sur le marché de l’Internet des objets (prévu pour être à 60% composé d’automobiles).
Au-delà de ce positionnement intéressé, Martin Winterkorn a aussi fait un long développement sur l’enjeu majeur des technologies numériques pour l’automobile. « Les technologies de l’information sont une composante clé de l’industrie automobile depuis un certain temps. Nos voitures sont déjà des ordinateurs roulants, avec 1,5 kilomètre de câbles, plus de 50 unités de contrôle et une puissance équivalente à 20 ordinateurs personnels perfectionnés. Aujourd’hui, nous faisons face un challenge : rendre la mobilité encore plus intelligente et plus connectée », a esquissé le dirigeant en présentant deux initiatives Future Tracks et James 2025. La première est plus un groupe d’études à long terme sur le futur de l’automobile et de ses infrastructures. La seconde, présentée pour la première fois à Hanovre est un concept représentant ce que pourrait être l’intérieur des voitures autonomes demain.
Aujourd’hui, chez Volkswagen, le numérique fait travailler 9300 personnes et engloutit 3,8 milliards de dollars d’investissements par an. Pour Winterkorn, il faudra aller au-delà. « La digitalisation va challenger nos stratégies, nos business models conventionnels, nos organisations, affirme-t-il. Dans le futur, les conducteurs voudront sans doute modifier eux-mêmes leurs véhicules en réalisant des mises à jour depuis leurs propres garages. Cela va nous permettre de proposer de nouvelles offres à valeur ajoutée pour nos clients qui ne correspondent plus aux cycles qui nous guident aujourd’hui. » Et en la matière, tout est à inventer. Aux constructeurs de voir s’ils veulent prendre leur part de ce gâteau que toutes les études nous promettent généreux. Qu’ils soient assurés d’une chose, s’ils ne la prennent pas Google et consorts la mangeront pour eux !
Par Thibaut De Jaegher
Source : usine-digitale.fr