‘L’opposition entre les sciences economiques et la gestion est stupide et non productive
Olivier Rollot
Le Prix Nobel d’économie remis cette année au Français Jean Tirole a mis en évidence la qualité des formations en économie-gestion françaises. Doyen de la Faculté des sciences économiques et de gestion de Strasbourg, qui compte aujourd’hui 2100 étudiants, Thierry Burger-Helmchen revient sur des études qui connaissent aujourd’hui un véritable engouement.
Olivier Rollot (@O_Rollot) : Les sciences économiques et la gestion se regardent parfois en chien de faïence. Ce n’est pas le cas dans votre faculté ?
Thierry Burger-Helmchen : L’opposition entre les sciences économiques et la gestion est stupide et non productive. Comme c’est de plus en plus souvent le cas en France, nos étudiants en Licence suivent exactement les mêmes cours en première et en deuxième année et ne se spécialisent en économie ou en gestion qu’en troisième année. Les étudiants qui se destinent à la gestion doivent impérativement avoir des compétences affirmées en économie et un étudiant en économie doit comprendre le fonctionnement des entreprises et connaître les bases du management. Il n’y a, à mon sens, aucun intérêt à suivre cinq ans d’études consacrées exclusivement au « management ». L’inverse est tout aussi vrai.
O.R : Quelles carrières s’ouvrent aux diplômés d’un master en économie ?
T. B-H : Après un master « Statistique et économétrie » il est possible d’intégrer de grands groupes ou des cabinets d’audit qui travaillent sur les données de masse, les « Big Data ». Le marketing est de plus en plus fondé sur l’exploitation de ces données. Un master « Analyses et politiques économiques » ouvre également à une large variété de métiers. La forte variété des secteurs et des emplois envisageables après un master économie nous pose d’ailleurs des problèmes de communication, à l’inverse d’un master logistique par exemple. Contrairement à des idées reçues, très peu de nos étudiants deviennent ensuite des enseignants. Le secteur de la banque-finance-assurance est celui qui embauche le plus nos étudiants, puis vient l’industrie.
O.R : Ces filières connaissent un vif succès après le bac. Arrivez-vous à accueillir tous les étudiants et à les conduire à la réussite ?
T. B-H : Nous sommes aujourd’hui à 120% de notre capacité d’accueil en première année de licence ! En l’absence de sélection, nous sommes obligés de recourir au tirage au sort car nous ne pouvons pas choisir nos étudiants et nous nous privons ainsi de profils intéressants. Pour mieux expliquer ce que nous faisons exactement en licence, nous allons porter la bonne parole dans les lycées et nous proposons à ceux qui le souhaitent une immersion en amphi et en TD.
Ensuite, le taux de passage des étudiants de première année en deuxième année de licence est de 60%. Mais si l’on regarde le taux de réussite de ceux qui suivent les cours et se présentent effectivement aux examens, on est plus proche de 80%. Nous faisons beaucoup d’efforts afin de faire réussir le plus grand nombre mais il est impossible d’occulter le fait qu’il existe des étudiants « fantômes », qui se sont inscrits uniquement pour bénéficier d’une carte d’étudiant.
O.R : Vos priorités aujourd’hui ?
T. B-H : D’abord améliorer le processus de sélection en première année de licence. Ensuite, je crois beaucoup au développement des doubles diplômes comme par exemple celui que nous proposons en mathématiques et économie. Trois années sélectives qui débouchent sur deux diplômes ouvrant ensuite davantage de portes. Un autre axe important est l’international, on ne peut pas imaginer un manager ou un économiste aujourd’hui avec une éducation purement franco-française.
O.R : Les universités de Strasbourg ont fusionné en 2009. Avec cinq ans de recul, quels effets cette fusion a-t-elle eu sur votre faculté ?
T. B-H : Nous n’en ressentons pas encore toute l’efficacité mais elle nous a déjà apporté beaucoup de visibilité. Il n’y avait aucune raison d’avoir trois universités. Les étudiants, les institutions partenaires, les entreprises qui accueillent les étudiants en stage ne comprenaient pas. Dans notre cas, la fusion s’est faite sans heurt puisque nous étions la seule faculté d’économie-gestion. Aujourd’hui, pour les mêmes raisons, il faut aller plus loin et réfléchir à un rapprochement entre facultés et écoles. Au sein de l’université, de nombreux enseignants des facultés font cours aussi dans les écoles. C’est le cas pour 70 % des enseignants de la faculté des sciences économiques et de gestion.
Par Olivier Rollot
Source : orientation.blog.lemonde.fr