Grandes écoles – le virage raté du numérique
‘Le tsunami digital effleure à peine de quelques vaguelettes timides les campus. Le constat d’un expert du sujet est aussi accablant que terrible. La modernité des savoirs les plus aiguisés, qui doit colorer de façon dominante les enseignements supérieurs, du côté des grandes écoles d’ingénieurs et de gestion, est encore bien faiblarde. C’est pourtant une triple révolution que ces institutions doivent opérer pour garder une place à l’avant-garde des connaissances indispensables aux entreprises :
1/ Une refonte de leur pédagogie grâce aux atouts des nouvelles technologies : Mooc, réseaux sociaux, big data, etc.
2/ Une transformation de leur organisation interne, hier structurée en grandes disciplines-silos.
3/ Une amélioration de leurs contenus afin de répondre aux besoins nouveaux des entreprises. À ce prix, leurs diplômés pourront véritablement jouer le rôle d’agents du changement efficaces dans ces organisations.
Les jeunes étudiants des meilleures des grandes écoles devraient être le levain de la révolution digitale dans les entreprises.
Cloud, big data, réseaux sociaux… et leurs impacts sur les organisations sont aujourd’hui décisifs. Leurs savoir-faire devraient transformer ces frais diplômés en agents du changement aussi efficaces qu’évangélistes, après s’être frottés aux toutes dernières stratégies numériques qui chamboulent le paysage économique. Un esprit simpliste imaginerait qu’ils sont aux avant-postes du management. Ceux de la modernité et des robustes remises en cause. Il n’en est rien. Pire, on est vraiment loin du compte, tant ces institutions sont loin de l’avant-garde – euphémisme – de ce mouvement de fond
Le constat impitoyable du retard
“La plupart des grandes écoles – d’ingénieurs ou de gestionnaires – n’en sont qu’à la prise de conscience.” Après avoir dressé, il y a quelques mois, un véritable état des lieux de la dimension numérique des grandes écoles pour le compte de leur conférence – la CGE, l’organisme qui les fédère –, Pascal Barbier, responsable du département e-learning de l’ENSG, en est revenu particulièrement dépité. “23 % des répondants sont en phase de réflexion vis-à-vis du numérique. Les écoles considèrent certes que l’enseignement numérique bouleversera leurs structures et périmètres, mais à cinq ans ! En attendant, de manière surprenante, le monde de l’éducation a été peu réactif à l’arrivée du Web 2.0. Seulement 18 % des écoles indiquent avoir un document de cadrage précisant la volonté de développement du numérique, et le quart de ces institutions pilote un projet.”
Un retard marqué par la faiblesse des équipements, et le déficit de formation des professeurs en e-learning. Signal révélateur de cette frilosité, “la Conférence des grandes écoles n’a pas encore accrédité un cursus en ligne” observe Pascal Barbier. Signal parmi tant d’autres de ce retard : une école ne peut organiser de formation numérique sans structure TICE (Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement) dédiée, or 25 % des écoles de commerce et 33 % des écoles d’ingénieurs n’en sont pas pourvues. 63 % des écoles d’ingénieurs et 41 % des écoles de commerce déclarent être seulement en phase d’expérimentation. “Il y a un enfumage colossal” glisse, dépité et en guise de commentaire, l’auteur qui a dressé cet accablant constat.’
Par Patrick Arnoux
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Source : lenouveleconomiste.fr